Tout est OK mais je suis KO
Antoine

Aujourd’hui, une novelettre un peu plus “classique” qu’à l’ordinaire, car beaucoup de choses à raconter. C’est d’un bus reliant Bruxelles à Zagreb que je vous écris. Plus que 22h de bus… Reprenons depuis le début car je ne sais même plus ou l’on s’est quitté la dernière fois, Thierry me dit que c’était à Zdole en Slovénie.

Entre Zdole et notre point de chute Bosniaque, nous avions une dizaine de jours, car attendus le 7 avril. Point de vue roulage, seulement 5 ou 6. On a donc regardé la carte du coin, et cherché des montagnes pour s’amuser et se dépenser. Le premier lieu qui a attiré notre attention est le sveta gera, sommet culminant à 1178m qui fait frontière entre la Slovénie et la Croatie, pour la première fois depuis Marseille,on se sépare pour 2 jours avec Thierry, finalement on cède souvent à la facilité, et on voyage moins “en se croisant” que prévu, mais on se rend compte tous les deux qu’à l’avenir on essaiera de le faire plus. On s’arrête dormir au sommet, ou il fait plus chaud que dans la vallée, presque 1000m en contrebas. Vu qu’on a le temps on a passé l’après-midi à profiter de la forêt et à sonner les cloches des deux églises espacées de 15 mètres, l’une croate, l’autre slovène. Très bon moment passé avec un chouette feu de bois le soir (j’en ai profité pour abattre mon premier arbre avec ma petite hache… Bon defouloir!).

Deuxième point attirant sur la carte, la montagne medvedica juste au nord de Zagreb, et sa station de ski (ou plutôt de luge improvisée avec des morceaux de bois et tubes Pvc dans notre cas). On a tellement aimé qu’on y a passé 3 jours, jeux de pistes en foret, remontée d’un cours d’eau le long d’une montagne, recherche d’une rave party inexistante (on a entendu la musique pendant tout le WE), soirée à faire du pain au feu de bois pour Thierry, journée d’apprentissage des arbres pour moi, tout ça dans un cadre idyllique! On ne peut pas en dire autant de Zagreb: si vous cherchez une ville sympa pour vos prochaines vacances, passez votre chemin, du moins c’est notre avis après y avoir trainé quelques heures. Puis on longe de nouveau la vallée de la Sava (plus long affluent eu Danube, qui va du nord de la Slovénie à Belgrade) pour se rendre à notre première frontière physique: entre Hrvatska Dubica et Kozarska Dubica se dresse le pont qui fait office de frontière. Il drache, le vieux douanier nous voit trempé, nos sacoches pleines de boue, il hésite, son élan patriotique le pousse à vérifier tout ce qui peut entrer dans son cher pays, il nous regarde, réfléchis, “et si ces deux individus étaient une menace pour ma chère patrie!” se dit il intérieurement. Un dilemme profond s’installe au fond de son âme, devoir s’aventurer sous cette pluie battante, s’approcher de ces deux individus nauséabonds, la peur d’attraper la galle, tout cela lui traverse l’esprit. Indécis, il tente quelques brèves questions dans sa langue natale, la plus belle du monde à ses oreilles, et ne voyant de notre part que de l’incompréhension, s’apprête à se lever d’un air décidé.”Ouvrir chacun de ces sacs, fouiller les moindres recoins, comme on me l’a montré jadis à l’école yougoslave quand j’étais jeune, voila ce qu’il faut faire avec des individus de la sorte” pense t-il. Soudain, le bruit de l’eau sur sa cabine, l’odeur pestilentielle, le sortent de sa rêverie. C’est alors que, las de sa dure journée de labeur, la molesse de son siège le retenant, il nous laisse passer sans rien demander que le passeport, nous voila hors UE, j’en profite pour réaliser une fois de plus à quel point nous sommes chanceux de pouvoir circuler ainsi sans entraves.

Le lieu de woofing est génial, je ferai une novelettre rien que la dessus car j’en tire énormément d’enseignements, pratiques comme philosophiques. Pourquoi avoir choisi ce lieu en Bosnie, je ne vous en ai pas encore parlé, mais nous avions en tête une date importante, le 28 mars marquait la fin de durée légale de détention d’un ami proche, enfermé depuis Août à Vottem, ayant commis le grand crime de ne pas avoir de papiers… Cotoyer quelqu’un dans cette situation, me rappelle une nouvelle fois de la chance que j’ai, mais éveille en moi une colère terrible, je n’aurai jamais tenu 8 mois dans ces conditions, et suis impressionné par les capacités de résilience de mon ami, j’en serai à mon avis totalement incapable. Le voir toujours heureux et optimiste après des périodes qui me rendraient littéralement fou à lier, est une leçon au quotidien. Est ce son caractère ou la difficulté de sa vie qui en est responsable? Probablement un peu des deux. En tout cas c’est un cas ou sa foi est vraiment “utile”, au sens ou elle l’aide à tenir dans les moments difficiles, difficile à concevoir pour un agnostique comme moi, mais force est de constater que dans de tels cas, la religion est un réel bénefice, pour lui, et donc pour son entourage.

Bref, Thierry et moi sommes rentrés pour cet évènement que l’on attendait avec impatience, et le voir dehors m’a vraiment fait un bien fou.

Semaine Bruxellois épuisante psychologiquement, je n’avais vraiment pas envie de revoir la ville, fatigue sociale plus les transports et les nombreuses choses a faire, vivement un retour au calme sur le vélo!

C’est un peu le fouillis dans ma tête : tout est possible pour les mois/années qui viennent, et j’ai encore quelques inconnues qui m’empechent de me décider:

Autre chose dont je n’ai pas parlé ici: j’ai postulé pour aller travailler a la base Dumont d’Urville en Antarctique, 14 mois sur place, un rêve depuis des années, une place par an en temps que menuisier, très peu de chance que cela m’arrive mais sait on jamais! J’attends donc de savoir si je suis preselectionné, auquel cas, pouf, demi tour pour faire des tests psychologiques et physiques en France. Cet oreiller de Damoclès plane sur moi depuis plusieurs semaines, et j’attends désespérément une réponse, j’ai appelé avant de reprendre le bus mais pas moyen d’apprendre quoi que ce soit, si ce n’est que je dois attendre.

Je commence à reflechir sérieusement au fait de passer du temps en belgique pour bosser cet été, car je dois renouveller mon passeport si je veux vraiment pousser les pédales loin à partir de l’automne prochain… La mer caspienne a un climat parfait pour passer l’hiver dehors ! C’est l’option n1 pour l’instant.

Plus que 20h de bus!

Shadokement votre

Antoine